Dialogue avec mon psy - Episode 10 + update
Fin de l'été 2022
Je ne suis pas sûre de moi. Tellement longtemps, il me semble, que je ne suis pas venue ici.
Comme beaucoup de femmes, je me suis oubliée dans le confort et le rythme d’une vie qui n’était finalement pas pour moi. Comme beaucoup de femmes de mon âge, maintenant, je suis sur la rive et je regarde le courant emporter mes images d’Epinal.
Je pénètre pieds nus dans le grand salon baigné de lumière, il y a eu des changements ici. Il y en aura bientôt chez moi.
Mon psy arrive discrètement sur le côté, prends ma main, crochette ses doigts aux miens et m'entraîne doucement sur le canapé
Je me blottis contre lui et respire son odeur. même elle me semble différente.
J’entends sa voix et sens la vibration de ses mots sous ma peau
“ - Dites le…
- C’est fini je murmure dans un souffle
- Plus fort. Plus clair.
Je ne comprends pas mais je m'exécute un peu plus fort
- C’est fini.
- Plus fort! intime -t-il sur un ton que je ne lui connais pas
Là, ça commence à sérieusement me chauffer
- c’est fini ! FI-NI! Il faut que je le hurle??
- Peut-être… reprend-il doucement. Encore une fois. Doucement maintenant.
- C’est fini… je répète tout bas
Et là je comprends. Le sens de ces mots. Ces deux petites syllabes qui terminent soudain une histoire de 32 ans. Le goût salé sur mes lèvres, je le connais bien. Je me blottis un peu plus fort et son bras se referme sur moi
- comment vous sentez-vous?
- Je ne sais pas… perdue, sans un neurone vaillant, déstabilisée, triste, soulagée, tout à la fois. J’ai l’impression qu’on a plongé mon univers sous l’eau, J’évolue comme ralentie, un peu paralysée. Mon esprit fonctionne avec ce temps de retard qu’on a sous les flots. Comme un cachalot, de temps en temps, je vais soupirer sur les vagues
- Comment ça se passe ?
- Compliqué. Nous travaillons ensemble, ça n’arrange rien. Parfois, c’est intolérable et la colère revient, parfois ça se passe comme avant, en douceur et la nostalgie inonde tout. Quand on se sépare on n’est pas supposé se voir tous les jours. Nous n’avons pas de haine l’un envers l’autre, du moins je n’en ai pas. Je ne sais pas ce qu’il pense, je ne sais pas ce qu’il ressent, je m’inquiète parfois pour celui que j’ai connu. Il a été mon premier et mon unique 32 années durant.
- Pourquoi alors?
- Parce qu’on se rencontre lycéens et on se retrouve quinquas en un clin d'œil avec des envies pressantes de vivre, mais tellement opposées qu’elles deviennent incompatibles. Et qu’on n’arrive plus à faire les efforts nécessaires pour être dans une acceptation mutuelle. Je n’ai pas envie de rentrer dans les détails mais je le vis parfois comme un échec, parfois comme une libération, parfois comme l’occasion de me trouver selon mon humeur, mes heures de sommeil, les chansons que j’écoute
- Et maintenant ? On va où ?
Je me relève un peu
- J'ai une échéance précise, en septembre, où je vais me lancer un défi de fou pour essayer de briser mes limites et mes chaînes. A la hulk. Sans le vert dégueu.
- Vous avez peur ?
- Je suis terrorisée. Je ne suis pas prête physiquement, jamais eu autant de tendinites de ma vie, je me sens faible, molle, vieille et moche et…
Je sens qu’il va protester alors je l'arrête d’une main
- Je sais ce que vous allez dire et vos mots me seront précieux mais mes neurones ne supportent plus les interruptions.
Inspire. Expire.
- Je sens qu’elle n’est pas loin celle qui sait relever la tête, tenir face aux tempêtes, elle s’agite dans son sommeil, parfois je la sens bouillir dans le creux de mon ventre. Parfois, elle se manifeste, me met en mouvement, me redonne l’envie de prendre le clavier, me somme de redevenir moi-même. Après elle s’évapore ma guerrière, mais elle n’est pas très loin.
- Comment voyez vous l'avenir? ou déjà votre présent ?
- La solitude ne me fait pas peur, c’est dans silence que je peux enfin écouter les murmures ou les cris de mon âme. Je me retrouve peu à peu, et peut-être qu’avec le temps j’arriverai à me pardonner mes erreurs de jugements, que ce soit sur les autres ou sur moi
Je sais que je n’ai pas à me justifier si je suis ou non une bonne personne. Je sais qui je suis, avec mes ombres dans lesquelles je m’attarde un peu en ce moment, et mes lumières, qui me tiennent hors de l’eau, et me rappellent le printemps, la chaleur et le sucre de certains instants
- pensez-vous qu’il est heureux ?
- je l’espère sincèrement. Je l’ai trop aimé pour lui souhaiter du malheur. Même si parfois, j’avais très envie de lui faire rencontrer une pelle. Je n’étais simplement plus capable de lui offrir ce qui le rendait heureux sans me perdre moi même, sans m’effacer de l’histoire.
Je me redresse tout à fait et lui fait face
- Et puis, je ne suis pas seule. J'ai ma famille, ma sœur “scout toujours”, ma famille d’alliance, ma princesse des giboulées, mes amies fidèles, mes deux trésors de-la- mort-qui-tue, des précieux et précieuses croisés au fil des années, et ceux qui viendront ensuite. Mais pour l’instant, je vais garder mon coeur un peu au sec.
Le soleil se pose sur nous, avec son petit nuage de poussière dorée. Je souris enfin au milieu des coulures de maquillage.
- Maintenant il me reste à écrire mon histoire. Nulle autre que moi ne sera responsable de ce qui m’arrive. Mes erreurs, mes succès, mes chutes et mes victoires seront les miennes. Et je suis certaine que j’ai encore des choses au fond de moi qui méritent de voir un peu la lumière. Et comme diraient mes parents: rien n’est grave, sauf la mort. Alors tout va bien !
Il ne parle pas. Tend juste les bras vers moi pour que j’y replonge. Pose ses lèvres sur mon front et me serre un peu plus fort.
- Vous allez y arriver dit-il tout bas
- Plus fort ! je riposte, Haut et clair !
- ON VA Y ARRIVER BON SANG DE BOIS!
Je souris devant son expression qui sent les reliques et la naphtaline.
Et je soupire d’aise.
Ouep ! on va tout faire pour !
Lettre à mon psy - update 2023
Cher psy de mon coeur,
Voilà ce que j’avais écrit, il y a plusieurs mois déjà, quand j’avais voulu mettre en scène ce moment doux amer où nos échanges parlaient d’amour, de renaissance, de doux regrets, d’horizons qui s’ouvraient, de frissons garantis.
Mais des mois sont passés et après une apocalyptique douche froide en octobre, j’ai découvert dans la rupture un autre visage, bien bien vilain, de nouveaux labyrinthes dans mon cerveau, des limbes où errer indéfiniment, un cœur qui veut se recroqueviller et se cacher dans une coquille de Nanard l’Ermite le bienheureux.
J’ai vu ma volonté se dissoudre dans une grisaille d’automne, dans des marais de mélancolie comme dans l’histoire sans fin. Une histoire sans fin, ce sont les bons mots finalement.
Donc en gros, pour paraphraser les poètes du rap, j'ai douillé ma race de ma maman.
J’ai fait l’expérience de la sidération, où tout se suspend en soi et autour de soi.
J’ai fait l’expérience de tomber à genoux, à bout de souffle, d'espérer fort qu’on me relève, qu’on défende ma cause, qu'on prenne parti indéfectiblement pour moi , sans se poser de question, sans aucune prise de recul ou autre fadaiserie, en toute subjectivité assumée. J’aurai aimé qu’on lèche mes plaies (en tout bien tout honneur ), qu’on gémisse en choeur à mes côtés.
Puis, j’ai compris que c’est une route solitaire parce que personne ne sait finalement, ce qui vous retourne les tripes, ce qui vous tourmente les nuits, ce qui vous paralyse le cervelet, et la rage et la frustration et l’angoisse qui vous étreignent à chaque que vous “y” penser.
Pourquoi vous ne faites rien alors que c’est si facile ?
Si tout le monde a son avis, personne ne comprend vraiment. Et le devraient-ils? N’est-ce pas cette incompréhension qui vous met le coup de pied au cucul salutaire qui sera un jour, vous l'espérez fort, ce déclic qui vous manque pour faire un saut dans votre propre vie.
Je vous entends déjà. Oui je m’apitoie sur moi ; personne ne le fera aussi bien que moi. Et ?
Quand l’autre joue avec votre culpabilité, avec vos failles qu’il connaît si bien, il faut encaisser. Parfois ça passe tout seul, parfois ça fait l’effet d’une épilation intégrale, parfois ça vous ravage de l’intérieur comme une moissonneuse batteuse pilotée par un psychopathe.
Après résister. Riposter s'il le faut.
Mais j’ai encore du taf. Je suis devant ma montagne et j’ai tout juste commencé à enlever les premiers cailloux. Poster ce texte, c'est mon précieux premier petit gravier. Il en a de l'importance. En attendant, j'ai pris mon adhésion au club des ouins-ouins. On ne sait jamais
Quelque fois, j'ai peur d'être bien cette personne qu’on m’a décrite, profondément triste et sans envie, sans élan ni joie, incapable de…toujours en train de...
Et c’est vrai que, encore ces jours derniers, je lutte contre ma propre nuit, régulièrement, continuellement, que je ne baisse jamais ma garde de peur de me laisser submerger par l’eau noire. Que parfois je n’ai plus l’énergie, plus la foi, que je me bats pour maintenir cette fucking petite flamme de bougie à 3 balles qui vacille au moindre soupir… alors les sanglots longs et tout le toutim ça n’arrange pas les choses.
Pourtant, de temps en temps, j’ai envie de crier “cheh!” (cf les jeunes pour comprendre), de multiplier mes majeurs pour faire autant de doigts d’honneur que j’ai envie, de dire à tous ceux qui continuent de me seriner que “c’est facile pourtant” d’aller se faire cuire le popotin et de m’en dire des nouvelles.
Je pense avoir fini d'expier mes fautes, réelles et imaginaires. Il est temps de me pardonner et de faire ce premier pas. Le reste suivra. Tout plutôt que cet état de lymphe qui me fait me sentir vieille, grosse, inutile, plaintive. Parce que je vais finir par ressembler à mes pensées et ça, ce serait vraiment moche pour le coup.
Bien bien à vous
(oui oui vraiment ;-) quand vous voulez!! )
PS: j’ai réussi mon défi de septembre dernier.
PPS: je rempile pour la même chose en novembre au milieu des pyramides avec une petite grappe de nanas dont vous me diriez des nouvelles
PPPS: je suis un petit vent (choix malencontreux d’expression) mais promis bientôt je redeviendrai la tempête.